jusquaquelpoint

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De la religion et de la politique?

Moi je dis ça là, après j'en sais rien hein...

 

J'ai grandi dans une famille catholique. Ce serait ptêt difficile à croire mais j'étais très, très catholique, très, très convaincue de l'existence, la bonté de Dieu, de la nécessité de l'écouter pour avoir une vie collective meilleure, etc.

J'ai retrouvé un petit papier que j'ai dû faire quand j'avais 12 ans bien pliés, avec dedans une sorte d'auto-engagement personnel à la "aujourd'hui je m'engage à être une brebis, je reconnais le Christ comme mon pasteur personnel" avec une liste d'engagements que j'avais réussi à réduire à cinq comme les doigts de la main pour avoir un système cool et cohérent, pis des passages en mode "le Mal est présent, j'y ai cédé plusieurs fois, je le sais". Tout ça quoi.

 

Et j'ai également eu très tôt, toute petite, un sens du questionnement de la société et de ses structures, pour arriver collectivement au mieux-être optimal. Mon engagement, les discussions, questions, interactions que j'ai aujourd'hui ne sont en un sens que le prolongement de ce questionnement d'origine, une étape à laquelle j'en suis arrivée aujourd'hui.

Je me souviens nettement de longues discussions que j'avais avec mon grand frère sur la meilleure façon qu'on pourrait avoir de vivre ensemble pour pas qu'il y ait d'exclusion, de violence, de souffrance, etc. On était tous gamins dans le jardin de ma grand-mère, je me souviens, on s'extasiait sur la nocivité du fric, l'idéal de tous travailler les uns pour les autres gratuitement, pour fournir ce qu'il faut à l'ensemble de la société de façon logique et responsable, avec le moins de coercition possible, etc. C'était genre, mes discussions préférées, j'en avais des étoiles dans les yeux, des rêves dans la tête, je ne pouvais pas m'arrêter de penser à ça.

Je précise que nos parents ne nous parlaient jamais de politique. On avait aucune éducation de ce point de vue-là, je ne savais pas ce qu'était la droite et la gauche et toutes ces discussions entendues à la radio me semblaient énormément compliquées et impossibles à débrouiller.

 

Je crois que le travail d'utopie que je faisais était en droite ligne avec l'amélioration de moi-même, dans un sens chrétien. J'essayais d'être la meilleure personne possible, dans la mentalité qui m'avait éduquée, basée (chez mes parents) sur l'amour et le respect des autres - un jour si je vous raconte ma vie je vous expliquerais à quel point dans les faits le respect des autres est tout à fait relatif et corrélé à la peur de la décadence chez ma maman... Mais bon hein...

Partant de cette base, j'essayais de voir quels étaient les comportements à valider de ma part, dans l'idée que j'ai pas envie de faire aux gens des trucs qui me font mal, qu'ils ont éventuellement un truc à dire quand ils font des choses que je comprends pas (que je traduis par "personne n'agit sans raison, il y a toujours une raison") et autres principes du même genre. C'était total avec ma perception chrétienne du monde, tout étant cohérent dans ces temps rétrospectivement bénis.

 

Je pense qu'il n'y a aucune rupture entre ça et mes réflexions sur la société. J'ajoutais quelques idées de fondations telles que "les autres valent autant que moi donc partons du principe que c'est mieux que tous les humains aient les mêmes chances" ou "le mieux pour qu'on s'épanouissent tous autant qu'on le veut c'est qu'on n'ait pas trop d'entraves pourries, sinon jamais on a l'opportunité d'innover dans le sens où on le sent" j'avais finalement mis au point un début de système.

 

Je me demande aujourd'hui si une éducation religieuse un peu poussée (au-delà d'un set inexpliqué de croyances) n'a pas entraîné mon esprit à articuler, symboliser des idées, conceptualiser avec souplesse les rapports humains. Je reste assez convaincue que toute religion peut être vue comme une métaphore d'une philosophie de la société. Toute religion part forcément d'une hypothèse sur l'humain, sur ce qu'il est, ce à quoi il tend, ce qu'il doit faire, comment il fonctionne.

Je pense que la religion peut être un moyen d'avoir des réflexions philosophiques, éthiques, sociales, dès très jeune. Pour peu qu'elle soit enseignée de façon souple et que le gosse ait un minimum d'indépendance, de curiosité intellectuelle, d'envie de réfléchir, développer les concepts par lui-même.

 

Pour ça que je me dis aujourd'hui qu'il est totalement cohérent que j'aie envisagé d'être bonne sœur quand j'étais ado et que je me retrouve à vitupérer et à m'acoquiner avec le féminisme intersectionnel.le.s aujourd'hui.

Pour ça que les masturbations intellectuelles d'athées qui n'ont jamais réellement approché la conviction religieuse de l'intérieur, petits sommets de pensée à la "mais, à quoi ça sert la religion?" me semblent dénuées de sens.

Pour ça que je suis encore extrêmement triste quand j'entends ce qu'on peut nous débiter comme bêtises dans l'idée "d'éduquer" ces pauvres cons de croyants à "la liberté et l'intelligance". Que je suis très amère quand je me souviens de ces "ami.e.s" qui riaient de moi en apprenant que j'étais païenne et qui me demandaient ce qu'il y avait après la mort pour moi parce que "c'est la seule raison d'avoir une religion, il peut pas y avoir d'autre raison".

 

Voilà ce à quoi je pense, humblement, modestement, depuis mon propre vécu. Je regrette seulement que si peu d'athées ait la curiosité de savoir ce que nous vivons et pensons. Que leur supériorité et leur ironie ne nous laisse pas la place de parler, nous fasse nous sentir bêtes, nous pousse à nous taire.

 

Je ne crois pas que la religion soit indispensable à tout abord d'une pensée politique. Je ne crois même pas qu'elle soit forcément souhaitable. Ce que je crois, c'est qu'elle est toujours un set d'idées qui s'articulent autour de points précis de philosophie sur l'humain. Qu'elle en est la métaphore. Qu'elle permet un ensemble de réajustement, d'inventions, de réinventions, si elle est abordée souplement.

Que chez moi, elle a été le fondement d'une pensée, son histoire, son canevas, et l'origine de tous les fils qui aujourd'hui la tissent.
On peut tout à fait philosopher sur l'humain en s'en passant. Mais elle ne l'empêche pas forcément. Elle peut l'aider, dans certains cas.



22/01/2015
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